Une crise multifactorielle très profonde
Monsieur Bruno LE MAIRE reprenant une étude de l’Insee estimait que « 30% de l’inflation est due à l’augmentation des marges ».
Il semble pourtant plus probable que l’inflation soit la conséquence d’une masse monétaire délirante, d’un incendie et d’un conflit.
Pourquoi commencer par l’inflation quand on cherche l’évolution du marché de l’immobilier !
Pour répondre, reprenons un peu l’origine de la crise immobilière actuelle.
Fin 2019, on découvre qu’un petit microbe s’attaque à plus gros que lui. Au printemps, le monde est dans la panique. Pour éviter la contagion, l’industrie s’arrête de produire…. on découvre le quoi qu’il en coûte et les gens sont payés à ne rien faire (enfin, une partie car les autres bossent normalement). Donc, on a de l’argent en poche mais plus aucun produit à acheter car l’industrie était à l’arrêt. On obtient une énorme source d’inflation par la monnaie, conséquence directe des choix de nos gouvernants.
La FED fait retomber ses taux directeur de 2% à 0% pour soutenir l’économie.
Concernant l’incendie, en mars 2021, un « petit » incendie ravageait quelques centaines de mètres carrés de l’usine Renesas Electronics. Cela ne vous rappel rien et pourtant, cet incendie va bloquer une usine responsable de la production mondiale de 30% des puces destinées à l’automobile. Ce petit évènement va entrainer une pénurie de semi-conducteurs. Résultat, on découvre que de nombreux produits, et en particulier les voitures, ne peuvent plus être livrés car il leur manque juste quelques puces pour fonctionner. Cette tension sur l’offre entraîne une inflation.
Là-dessus, Monsieur POUTINE, qui avait déjà visité la crimée en 2014, se lance à nouveau dans le tourisme le 24 février 2022, ce qui déclenche une hausse du prix du gaz. On découvre alors notre hyper dépendance au gaz et l’impact de son prix sur de nombreux produits.
La FED constate une inflation aux USA. De fait, afin de restreindre la masse monétaire, elle augmente ses taux directeurs qui passent de 0% à plus de 5% en 2023.
La BCE ne réagit pas aussi rapidement. Le dollars US s’envole par rapport à l’Euro. Le prix du pétrole et du gaz s’envolent en conséquence car les achats européens se font en dollars. Nouvelle source d’inflation la encore liée à la politique monétaire.
Le premier objectif des banques centrales est la lutte contre l’inflation.
La BCE qui doit se résoudre à lutter contre l’inflation réagit en deux temps ; dans un premier temps, on découvre une subtile manière de restreindre la masse monétaire sans augmenter les taux directeurs car la BCE est horrifiée par l’endettement des états et les conséquences d’une augmentation des taux sur les finances publiques. Ainsi la BCE se débrouille pour les banques ne puissent plus financer l’immobilier. Pour cela elle augmente très légèrement ses taux tout en diminuant le taux d’usure. C’est juste génial pour réduire l’augmentation de la masse monétaire, sauf pour l’immobilier.
La manœuvre n’est toutefois pas suffisante pour enrayer l’inflation et dans un second temps, la BCE augmente ses taux qui suivent l’augmentation de la FED avec un petit décalage.
La machine à inflation s’est mise en route et si tous les économistes annonçaient une inflation conjoncturelle au sortir du Covid, force est de constater qu’ils se sont largement fourvoyés.
Donc en résumé, l’inflation constatée est multifactorielle. L’inflation impacte le taux directeur des banques centrales. Les taux directeurs impactent le coût du crédit, le rendement des OAT et les taux de capitalisations des investissements.
Une fois le contexte macro sommairement abordé, regardons plus en détail l’impact sur l’immobilier et le scénario probable pour les années à venir.
On constate tous les jours un énorme ralentissement des investissements en immobilier qui sont la conséquence directe des taux directeurs.
Rentrons dans le détail. Lorsque les taux étaient à 0%, ce qui était juste anormal, les taux de capitalisation du bureau prime sur Paris était d’environ 3% et de 4% pour les logements.
Ce delta de 3 à 4% représente la « prime de risque » car rappelons que l’immobilier subit une très forte fiscalité, nécessite des travaux, dépend du bon paiement du loyer et n’est pas « liquide ».
Si on poursuit la comparaison avec une OAT dont on connait par avance le montant de la valeur à échéance qui correspond au centime près à la valeur de souscription, l’immobilier voit sa valeur vénale fluctuer.
Ainsi, les investisseurs espère non seulement un rendement locatif de 3 à 4% brut, mais aussi une augmentation de la valeur vénale, ce qui décuple la rentabilité de l’immobilier.
La plupart des gens sont persuadés que l’immobilier ne peut que monter…. lourde erreur.
Imaginons qu’un immeuble qui rapportait 100 de loyer brut par an se soit vendu sur la base d’un taux de capitalisation de 4% lorsque l’OAT était à 0%.
On avait donc :
Valeur Vénale = loyer / taux de capitalisation
soit 100/0,04=2.500
Aujourd’hui, l’OAT 10 ans offre un rendement de 3,5%.
Avec une prime de risque de 4% largement insuffisante au regard des facteurs de risque actuels, pour le même immeuble, on obtient la nouvelle valeur suivante :
Valeur Vénale = loyer / taux de capitalisation = loyer / (valeur de l’OAT + prime de risque) = 100/ (0,035 + 0,004) = 1.333.
La valeur s’est donc effondrée de 53%. Inutile de vous dire que le marché est absolument incapable de matérialiser une telle baisse. Les experts immobiliers vont subir des pressions folles pour qu’ils ne participent pas à l’effondrement du marché en constatant des valeurs d’expertises trop basses. Actuellement, les taux pour le bureau prime est d’environ 4,4%. Rien ne se vend à ce taux mais au moins les valorisations sont conservés. Les acteurs de l’immobilier prétendent actuellement qu’avec la baisse de l’inflation, les taux vont baisser…
La question est faut-il acheter ? faut-il vendre ?
Imaginons qu’un immeuble qui rapportait 100 de loyer brut par an se vendait sur la base d’un taux de capitalisation de 7% car c’est un actif moins recherché que le précédent.
Sa valeur Vénale = loyer / taux de capitalisation soit 100/0,07=1.428
Ne prenons pas en compte la fiscalité sur les plus-values et les frais de mutation car nous cherchons juste à comprendre le phénomène. Les loyers subissent 19,2% de CSG CRDS puis l’IRRP au taux marginal, retenons 30% pour l’exemple. Le delta entre le loyer brut et le loyer net est de 80% ; frais divers, impôts, taxes, travaux…non supportés par le locataire. Un placement OAT subit le prélèvement forfaitaire de 30%.
On aurait donc un stock de 1.428 immobilier qui rapporte (100×80%) moins la fiscalité soit 80 x 0,5 = 40 par an
Ce même stock de 1.428 rapporterait 1.428x 3,5% = 50 avant fiscalité s’il était placé en OAT soit 50 x 0,7 = 35 net d’impôts.
Prenons maintenant l’hypothèse que pendant la crise, les prix baissent de 5% par an et qu’ils se stabilisent en fin de crise.
Si la crise continue un an, l’immeuble vaudra 1.428 x 0,95 = 1.357 et il aura rapporté 40. On aura donc 1.397.
Si on a investi en OAT, on aura 1.428 de stock dans un an et 35 d’intérêts, soit un total de 1.463 soit 4,7% de plus que si on avait conservé l’immeuble.
Ce 4,7% correspond bien entendu au 5% de baisse de l’immobilier et au delta entre les deux placements. C’est évident mais cela est plus flagrant par l’exemple.
Donc il faut corriger le prix de l’immobilier pour qu’il rapporte autant que l’OAT. Sans rentrer dans le détail de la règle de 3, on obtient 1.363 pour la valeur actuelle de l’immeuble.
1.363 + 35 d’intérêts = 1.428 + 40 de loyer moins 5% de baisse = 1.397 au total.
Si la crise dure 3 ans, et cela n’est pas qu’une simple hypothèse au regard par exemple de la crise de 91, on obtient :
1.428 + 3 années de loyers moins 3 ans de baisse soit un total de 1344 à terme.
1.250 placés en OAT rapportent 3 années d’intérêts (cumulés) et valent 1344 à terme.
Donc, si la crise dure un an, sur la base d’hypothèses très contestables, le prix de vente doit baisser de 4,7% mais, si la crise dure trois ans, le prix de vente doit baisser de 14,5%. Si la chute de la valeur vénale est supérieure au rendement, le placement immobilier est une catastrophe qui ne protège pas ni le capital ni de l’inflation. Les OAT protègent le capital mais au regard de la fiscalité et du montant actuel de l’inflation, elles ne conservent pas le pouvoir d’achat du capital !
En France, les vendeurs préfèrent en pas vendre plutôt que de baisser leur prix par rapport au maximum historique. Il s’en suit que le marché est rarement sur-offreur sauf si comme actuellement, la demande est complètement atone car elle n’arrive pas à se financer et anticipe une très forte baisse des prix. Pourquoi acheter maintenant si c’est pour s’appauvrir par ses actifs !
Rajoutons que l’immobilier subit de multiples mutations (télétravail qui impactent les surfaces de bureau et modifie la demande de logements (appartement versus maison à la campagne), e-commerce qui provoque une importante vacance sur les actifs commerciaux…).
La situation pour un vendeur peut être plus nuancée : s’il vend, il paye la plus-value et doit trouver une solution de réemploi des fonds libérés. Un aller-retour sur l’immoblier est pénalisé par les frais de mutation qui absorbent globalement une année de rendement.
Regardons un autre agrégat qui était très favorable à l’immobilier :
La population française passe de passe de 62,8 millions en 2009 à 65,7 en 2020, soit une croissance moyenne de 0,4% par an.
Le nombre de ménages passe de 27,5 millions en 2009 à 30,2 en 2020, soit une croissance moyenne de 0,85% par an.
En 40 ans, le nombre de logements passe de 24 à 37 millions en France, soit une augmentation moyenne de 1,1% par an. La France compte 31 millions de résidences principales. En plus, le nombre de personnes par ménages passe de plus de 3 personnes dans les années 70 à 2,17 en 2020, ce qui devrait réduire la taille moyenne des logements.
On constate donc que depuis des lustres, le taux d’augmentation du parc est supérieur à la croissance de la demande. Ainsi, contrairement à une idée véhiculée, la crise de l’offre de logements est derrière nous ! On peut donc dire que la demande de logements sera moins forte dans les prochaines années même s’il convient de nuancer ces propos du fait de la disparité géographique entre l’offre et la demande. .
De nombreux secteurs qui composent l’immobilier sont bien entendu touchés par la crise actuelle ; les agences immobilières font faillite, les notaires licencies, les promoteurs risquent la faillite et devront acter la chute de valeur de leurs fonciers. Toutefois, les promoteurs ont accumulé beaucoup d’argent ce qui leur permet de tenir sauf si la crise se confirme. Les constructeurs bénéficient d’un certain décalage et sont portés par la commande publique qui devrait fondre en 2025…
Conséquence d’une surabondance de masse monétaire principalement lié à l’explosion des dettes publique, sur les 4 décennies passées, l’immobilier a « surperformé » pas mal de classe d’actifs et l’inflation était proche de zéro.
Attendre une forte correction des valeurs est donc le scénario qui me semble probable pour 2024-2026. L’inflation n’en finit de se réduire mais est toujours bien présente. Il est fort à parier que l’économie ne sera pas brillante non plus.
Le scénario d’une crise qui se poursuive sur 2025 semble largement probable.
Pour être un peu optimiste, le secteur ne peut pas s’écrouler au risque d’entrainer une crise globale. De plus, ce qui est à l’origine des valeurs folles constatées est toujours d’actualité (le déficit des états).
Mais on ne peut clairement pas écarter un crack si Poutine poursuit sa guerre, ou si la situation se détériore au proche orient, ou si les élections US se passent mal…