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Constructeurs : bluffez un client qui refuse de payer 

Imaginons une chose hautement improbable : un client refuse de payer l’entreprise de construction. Nos intelligents législateurs ont-ils mis en place un dispositif spécial permettant à l’entreprise de se garantir sur l’immeuble auquel ils ont participé ? D’autres pays le font comme la Suisse ou le Canada. En France, la législation protège surtout le gentil client face au méchant constructeur.

Toutefois, il existe deux mécanismes pour se garantir des impayés de construction.

La garantie de paiement : un mécanisme inconnu des artisans et TPE

Dans les marchés privés de travaux, l’article 1799-1 du code Civil impose au maître d’ouvrage de garantir à l’entrepreneur le paiement des sommes dues dès lors que celles-ci excèdent un seuil fixé par décret à 12.000 euros HT.

Cette loi ne comporte pas de dispositif lui conférant un caractère d’ordre public impératif. Rappelons que l’ordre public n’a pas vraiment de définition mais pourrait se définir par l’ensemble des règles auxquelles on ne saurait déroger y compris « par conventions particulières ». Au cas présent, la jurisprudence affirme qu’il est impossible de déroger à cette garantie, lui conférant ainsi le caractère d’ordre public.

Tous ceux qui mettent les pieds sur un chantier y ont le droit (voir art 1799 du CC). Donc en clair, les constructeurs, les architectes, les BET, les sous-traitants.

Tous les maîtres d’Ouvrages y sont tenu sauf….les HLM, les SEM mais sont aussi dispensés de fournir une garantie les maîtres d’ouvrage concluant des marchés pour leur propre compte et pour satisfaire des besoins non liés à leur activité professionnelle, lorsqu’ils n’ont pas recours à un crédit spécifique.

Donc, Monsieur DUPONT qui fait poser une chaudière chez lui n’est pas tenu de fournir la garantie.

La loi est parfois détournée afin d’échapper aux pénalités de retard.

Le texte étant d’ordre public, le Maître d’Ouvrage doit cette garantie qui peut prendre du temps à mettre en place. L’entreprise qui sent piégé par des délais, peut donc prétextant un simple retard de paiement, demander cette garantie et suspendre son activité tant que cette garantie ne lui est pas fournie !

Selon l’adage, en cas de doute, il n’y a pas de doute, si vous craignez qu’un client ne vous plante sur un paiement, vous pouvez tenter de lui demander une garantie de paiement même si la loi ne l’y a pas assujettie car il faut lire entre les lignes pour le savoir.

Inscription d’une hypothèque : un gros coup de bluff ?

Encore moins connue que la garantie de paiement, la loi permet à un entrepreneur d’inscrire une hypothèque sur la maison de son client indélicat. Généralement, la seule annonce de cette hypothèque provoque le paiement…. et heureusement car dans la réalité, cela n’est pas évident.

Voyons les fondements juridiques :

L’article 2392 du Code Civil « les hypothèques légales sont générales ou spéciales.
Le créancier bénéficiaire d’une hypothèque générale peut inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant actuellement à son débiteur. Il peut prendre des inscriptions complémentaires sur les immeubles entrés, par la suite, dans le patrimoine de son débiteur.
Le créancier bénéficiaire d’une hypothèque spéciale ne peut inscrire son droit que sur l’immeuble sur lequel elle porte. »

L’article 2293 du Code Civil « Outre celles prévues par des lois spéciales, les créances auxquelles une hypothèque légale générale est attachée sont … 6° Celles ayant fait l’objet d’un jugement, contre le débiteur condamné. »

L’article 2406 du Code Civil dispose que les frais d’inscription sont à la charge des débiteurs.

Donc, moyennant un jugement, vous pouvez inscrire aux frais du client une hypothèque sur sa maison. En cas de revente du bien, vous êtes alors payé en priorité et la purge d’une hypothèque est du plus mauvais effet car tous les voyants s’allument. Mais … il faut avoir un jugement !

La saisine du conciliateur de justice

Gratuite, très rapide et hyper efficace : saisir le conciliateur de justice. En effet, moyennant un délai de quelques semaines, le conciliateur peut rappeler au client indélicat que le droit lui impose de payer les factures quitte à mettre ultérieurement en cause la qualité des travaux. Un accord chez le conciliateur à la valeur d’un jugement et j’insiste, c’est gratuit, sans avocat et rapide.

Nota : un grand merci à ces auxiliaires de justice qui travaillent gratuitement et effectue un travail remarquable.